par Penny Rose
Il y a encore beaucoup d'amis et des points d'intérêt pres de Morin-Heights qui me rappellent des souvenirs de mes premières années au village. Bon nombre d'entre nous parlons encore de cette époque " hippie " avec nostalgie. Je sais que j'étais " hippie " même si j'ai toujours travaillé comme une démone !
Laissez-moi vous raconter mon expérience du début des années 1970 sur le chemin du Village au coeur de Morin-Heights, qu'on appelait la rue " principale " et vous parler des activités qu'on tenait à la Cantina de Rose, aujourd'hui réincarnée en garderie - n'est-ce pas ironique ?
Tout a commencé avec trois personnes qui cherchaient refuge à la campagne, loin de la ville pour retourner aux sources. Les freins défectueux de notre fidèle Volvo nous ont conduit à Morin Heights au garage de Gordon (aujourd'hui le Restaurant O'Petit). Chris Rawlings et Bill Russell, aujourd'hui deux musiciens professionnels et pères de famille, faisaient partie du trio qui a démarré Rose's Cantina. Quelques années plus tard, Norma McNaughton a joint les rangs et partagé l'expérience.
Le hasard a voulu que la vieille maison de Joseph Seale, directement en face du garage de Gordon, était à louer. Son style louisianais plaisait à Bill qui est né et a grandi à Baton Rouge. Chris et moi adorions les chambres, la chaleur des pièces, la belle mezzanine, la galerie tout autour et les bonnes vibrations, encore palpables, de notre unique village.
Nous avons ouvert nos portes et invité des gens à partager une expérience musicale dans un climat intime de vie. A ma grande surprise, le village était peu réceptif au début. Les gens étaient appréhensifs de ce groupe de bohèmes aux cheveux longs, drôlement habillés. On les appelait les hippies, des déserteurs devant la conscription.... des vagabonds ! C'était inhabituel. Les gens allaient et venaient, un banjo, une
guitare ou un autre instrument à la main. Toujours du monde sur la galerie prenant un petit verre ou un café. De toute évidence, on croyait que personne ne travaillait ! C'était un mélange de vie en commune et de maison de pension. On avait l'impression que la Cantina était en quelque sorte un point de transit pour le mouvement " Peace & Love " des années soixante et soixante-dix.
Pour notre première Halloween, nous avions fait des pommes caramélisées et du maîs soufflé et avons été décus car personne n'avait laissé ses enfants venir à notre porte. La peur est contagieuse. Avec le temps, les gens du village sont devenus plus à l'aise et familiers et nous avons continué à jouer de la musique dans notre salon tous les vendredis et samedis soirs. Nous étions fiers du talent que nous amenions à Morin-Heights dans les années soixante-dix. De nombreux musiciens ont franchi le pas de notre porte et certains sont célèbres aujourd'hui : Jesse Winchester, Karen Young, Michael Browne, Colin Linden, Penny Lang, The Stephen Barry Band, Lorne Elliot, pour ne nommer que ceux-la. Nous étions uniques : le seul café de musique folk dans les Laurentides. Nous avons gagné une certaine notoriété et attiré l'attention de la presse. Des articles dans des journaux importants de Montréal sont parus à notre sujet et nous avons été interviewés plusieurs fois à la radio.
Nous présentions beaucoup de concerts extérieurs, notamment une superbe journée à la pente de ski Basler, financé par une subvention du gouvernement fédéral du programme Année de l'enfant. Nous organisions des danses, des quadrilles, des festivals de musique dans notre cour, des parades, des soirées d'improvisation musicales, des festins, des cours d'art et de macramé, des fêtes thématiques " Les femmes en noir " en l'honneur des femmes nées sous le signe du Taureau, " La soirée suèdoise "... Nous avions aussi une coopérative d'alimentation biologique.
La vie de village nous allait bien, le grand V (le magasin qui vendait tout), la buanderie Mickey's et son magasin de vêtements du même nom, le restaurant L'Héritage avec ses réputés Perry burgers, Books & Things, The Leather Shop, le kiosque de fruits et légumes (dans le stationnement de la bibliothèque actuelle), le Cinéma Bell, le garage de Percy Gordon, l'incroyable restaurant Hanover House et bien sûr, les autres lieux pour noctambules le Commons Bar et le Bellevue Hotel. Morin-Heights semblait être prospère avec ses deux banques.
Notre vie à la Cantina était mouvementée. Il se passait toujours quelque chose qui générant des histoires. La " grande descente " en est une mémorable. Par un vendredi soir typique, nous avions plus d'une vingtaine de personnes présentes pour une soirée musicale. Juste après le souper, un groupe de jeunes a frappé à la porte de cuisine. Après avoir fait des grimaces à travers la fenêtre pour un moment, les nouveaux arrivants se sont regroupés devant la porte d'entrée principale. Je les ai accueillis mais ils on eu l'air de ne pas me voir et se sont dirigés directement au salon. J'ai bien sûr crié, " Excusez-moi mais c'est 2$ par personne SVP ! " (Frais d'admission modeste de l'époque). " Oh, ne vous en faites pas, nous sommes de la GRC " et j'ai répliqué promptement, " Et moi, je suis Penny Rose. " Ce qui n'a eu aucun effet puisqu'ils ont répondu, " Vous ne semblez pas saisir, nous sommes vraiment de la GRC ! " Je suis restée muette lorsqu'ils ont sorti leur mandat les autorisant à fouiller les lieux. J'ai réussi à dire, " Alors entrez ! " Ce qu'ils ont fait sans gêne en se mettant à questionner et fouiller quelques clients. Ils ont brassé et senti quelques flacons d'épices, exploré placards et tiroirs, sans rien trouver d'intéressant, sauf une quantité insignifiante d'une substance illégale qu'un de nos clients avait en sa possession. Il avait été accusé, mais la cause rejetée. Jason Lang, un petit bout de chou à l'époque, les yeux écarquillés avait demandé à sa mère (Penny) si c'était une arme à feu réelle qu'il avait vu. Walter Edge était certain qu'ils voulaient son argent américain. La GRC est repartie les mains vides. Nous n'avons jamais su pourquoi ils nous ont rendu visite. Simplement une autre soirée à la Cantina!
Je me rappelle bien les hivers, ils étaient magiques comparativement à ceux de la ville. Un monde merveilleux. On ne déneigeait pas à cette époque; la neige était empilée partout et on pouvait skier sur les bancs de neige. Les pistes de ski de fond étaient toutes de style hors-piste. C'était un secret bien gardé par les résidents. Qui aurait su que Morin-Heights deviendrait la Capitale du ski de fond des Laurentides ?
Se rappeler cette époque sans parler de Buckshot, mon petit semblant de corgi, qui s'est introduit facilement à la vie de campagne ne serait pas une histoire complète. Il s'enfuyait souvent pour chasser les femelles et m'était régulièrement rapporté par Owen Le Gallee ou Basil Green. Bucky était réellement particulier et pensait qu'il était le roi des chiens. L'une de ses activités preférées était de se tenir devant la porte chez Vaillancourt et d'espérer recevoir une gâterie. Parfois, il s'asseyait au centre de l'intersection, arrêtait le trafic dans toutes les directions. Il m'arrive parfois de voir des chiens qui ont des similitudes avec Bucky. Qui sait?
Musique en mouvement. Pas étonnant que les anciens se soient grattés la tête à propos de la foule de la Cantina.
Il y a bien d'autres histoires dont certaines sont devenues légendaires avec le temps que nous pourrons raconter une prochaine fois : le tour d'avion au-dessus de Morin-Heights, courtoisie d'Inky Kneeland, notre bien aimé chef de bureau de poste; l'élevage et la boucherie des porcs; les soupers avec Cat Stevens à la Cantina; l'incident des explosifs dans le bois de chauffage, pour en nommer quelques-uns.
Tout ca pour dire que les jours de la Cantina sont loin mais que plusieurs personnes vivant encore dans la communauté ou ailleurs dans le monde s'en souviennent avec nostalgie.
Note du rédacteur: Malgré que l'époque de la Cantina soit révolue, Penny Rose est toujours ici et continue à apporter musique et théatre à Morin-Heights. Le choeur Joyful Noise, Theatre Morin Heights, le groupe du Centaur, Shakespeare dans le Parc, le Festival Wild Roots et ses concerts et soirées à la maison, sont toutes des formes d'expression et des manifestations de l'évolution des idées jadis véhiculées à la modeste Cantina.
À droite, Penny Rose, chez elle sur Vivaldi avec son mari David Hodgson et Bollywood, 2010. Cliquez ci-dessous pour entendre Penny parler de la Cantina.