par Joseph Graham
Selon Serge Laurin, l’auteur d’Histoire des Laurentides, les Algonquins qui vivaient dans cette région étaient les Weskarinis, cousins des Kichespirinis. Ces deux bandes amérindiennes faisaient partie de la communauté algonquienne (du Bas Canada) et parlaient différents dialectes. Une autre bande algonquine (du Haut) était celle de l’Abitibi.
Les Weskarinis vivaient le long de quatre rivières, la Lièvre, la Petite Nation, la Rouge et la rivière du Nord. Leur campement principal d’été était à l’embouchure de la rivière Petite Nation à Montebello, probablement un camp permanent. Les Français leur avaient donné le nom de Petite Nation. Étonnamment, avant 1600, ils passaient l’été en grand nombre sur les abords de la rivière des Outaouais, à l’automne ils remontaient ses affluents pour passer l’hiver en petits groupes familiaux le long du littoral de ses lacs et vallées. Imaginez l’excitation du voyage en descendant la rivière chaque printemps : le groupe de cousins de plus en plus grand, le partage de nouvelles et des aventures, des naissances, aux décès, aux rigueurs de l’hiver, jusqu’à ce que la Petite Nation soit à nouveau réunie pour une courte saison estivale. Imaginez la remontée de la rivière, les changements que l’été apportait : un fils marié et parti dans une autre famille, un gendre de retour, un aîné décidant de rester derrière craignant les rigueurs du voyage. Les défis de l’hiver ont dû être grands. Serge Laurin suggère que ces groupes étaient d’environ quinze personnes lorsqu’ils arrivaient au campement d’hiver, et que cela aurait amélioré leurs chances de survie. Ils devaient chasser tout l’automne afin de préparer leurs réserves d’hiver.
Leurs croyances encourageaient le respect de l’ordre naturel. Le Manitou, un nom évoquant le monde spirituel, était manifeste dans toutes les choses, suggérant un système de croyances similaire à l’Animisme. Il n’y avait pas de concept au-delà de celui du bien et du mal, ni aucune perspective objective sur le monde – ils faisaient partie du tout. Leur économie était fondée sur la trappe, la pêche, la cueillette de fruits, la fabrication du sirop d’érable et l’échange de biens et de produits fabriqués. Ils formaient des alliances de troc avec les Hurons et exportaient des vêtements, de la viande et des fruits secs en échange de grain (maïs) et probablement de haricots, de courges, de tabac et de tournesols. L’information disponible décrivant les Weskarinis est limitée et est plutôt présentée d’un point de vue européen. Ils se seraient appelés Anishinabis, comme leurs descendants l’ont fait, un nom faisant référence aux Algonquins signifiant, le peuple. Leur propre histoire décrit une migration des Maritimes sur une très longue période, guidée par leurs prophéties. La Prophétie des Sept Feux de la tradition orale, relate cette histoire. Le quatrième feu prédit l’arrivée des Européens. À l’époque, la prophétie disait que l’homme blanc viendrait affichant soit le visage de la fraternité ou celui de la mort et que ces deux visages se ressembleraient énormément. Les feux subséquents décrivaient l’apparition de la maladie et la destruction des Anishinabes.
À l’arrivée de Champlain, les Weskarinis faisaient partie de l’alliance qui protégeait son territoire contre les Cinq Nations iroquoises. Champlain faisait du troc avec les Algonquins et s’est aliéné les Iroquois. De là, une longue période de tension a débuté, qui perdure aujourd’hui. Champlain a résolument pris la part des Algonquins et chassa les Iroquois vers le Sud en 1610 et 1611. Sa présence a semblé avoir surpris les Iroquois, qui sont revenus plus tard en grand nombre. C’est ainsi qu’ont débuté les guerres entre Français et Amérindiens – telles que les appelaient les Britanniques au 17e et 18e siècle. Les Weskarinis, ainsi que d’autres Anishinabes, ont bénéficié de la traite des fourrures avec les Français jusqu’en 1629 quand les frères Kirke ont pris la Nouvelle-France pour les Britanniques. Durant les trois années de règne britannique sur la colonie, les Iroquois ont monopolisé la traite des fourrures. Lorsque la colonie fut retournée aux Français en 1632, la traite avec les Algonquins et les Hurons a repris.
Les Iroquois, comme d’autres communautés agricoles qui vivaient dans la voie de l’expansion de la colonie britannique, sont devenus dépendants de la fourrure pour le troc, mais elle n’était plus au cœur de leur environnement de cultivateur. Depuis la destruction de leur mode de vie conventionnel et que les maladies européennes menaçaient leur population, ils avaient peu à offrir aux gens du Nord en fait d’échange de biens et ont adopté un comportement violent pour acquérir la fourrure que demandait la clientèle européenne. Ils étaient bien équipés pour faire la guerre, puisque les marchands britanniques et hollandais leurs fournissaient des armes. Entre 1640 et 1650, la Confédération huronne, indubitablement divisée entre ses croyances traditionnelles et le Catholicisme, a été écrasée sous leur attaque. En 1653, les Weskarinis, ou Petite Nation, ont été cernés sur la rive du Petit Lac Nominingue dans les Laurentides, et massacrés sans pitié. L’histoire raconte qu’il n’y aurait eu que deux survivants – un enfant et un aîné – mais il y a des encore gens qui disent être de descendance Weskarinis.
Aujourd’hui, parmi ces individus et d’autres Anishinabes, les prophéties des Sept Feux sont encore respectées, et bien que les Européens se soient avérés être une malédiction de proportion monumentale, ils espèrent encore qu’un Huitième Feu, une prophétie voyant l’homme blanc faire le bon choix se réalise, et finalement fasse place à un monde pacifique et fraternel. Par contre, s’ils faisaient de mauvais choix, leur décision engendrerait une destruction à l’échelle mondiale.